Chère amie, il n’y a rien de nouveau. Hier et aujourd’hui c’est le grand intervalle des journées blanches, où je ne puis pas avoir de lettres de vous. Je suis bien aise que vous ayez de bonnes nouvelles d’Auguste; j’attends avec impatience son retour. Avant-hier j’ai dîné chez M. de Sch[raut], avec M. de Balk et la légation espagnole. Ensuite je fus présenté à la Grande Duchesse, mais comme tout ce monde y étoit, je ne pus absolument causer avec elle, elle me dit seulement un mot obligeant à travers le cercle. J’ai été le même jour chez M. de Watteville, qui étoit venu de Soleure, et le trouvant seul avec sa femme j’ai pu causer plus que l’occasion ne s’étoit présentée jusqu’ici. Tout en disputant avec lui sur ce qu’il soutenoit que la situation de ma belle-soeur ne devoit pas la porter à des partis extrêmes, que son habitation étoit un excellent asyle, etc., j’ai eu la satisfaction de me convaincre qu’aucun propos fâcheux sur les affaires de ma belle-sœur n’est parvenu aux autorités de ce pays. Il n’avoit aucune idée qu’elle pût rencontrer les difficultés à terminer son procès en suivant mes conseils, que je me suis cependant bien gardé de faire connoître.
Hier j’ai passé la journée avec Koreff, et en partie chez Mad[ame] de Custine – elle arrivera jeudi à Genève – Koreff m’a remis des livres allemands pour vous que j’enverrai avec un gros paquet des miens.
Je crois absolument que la police a fait répandre des bruits sur M. de B. pour l’empêcher de revenir à P[aris], il a pris votre avertissement dans ce sens-là, à ce qu’il m’a paru, sans aucune arrière-pensée.
Adieu, chère amie, ne m’oubliez pas. Le jour des anges gardiens c’est le 2 octobre. Voilà un bien triste tems.