Chère amie, j’espère que vous avez reçu ma petite lettre d’avant-hier. Hier je vous ai envoyé par Eug[ène] un paquet de M. de Hammer et une lettre de M. de Carro, qui devoit vous procurer une connoissance agréable. Il vous a envoyé aussi les lettres d’Aug[uste] sans que je les aye vues, de sorte que je ne suis pas au fait des nouvelles de C[oppet]. Ici il n’y a rien de nouveau, je n’ai encore vu personne ce matin. Je dînerai chez M. Pilat à la campagne; s’il avoit quelque chose à me communiquer, j’écrirai encore une seconde fois avant d’y aller, mais je ne le crois pas.
En fait de nouvelles générales, il paroît que toutes les forces se concentrent au Nord près des côtes de la Baltique, et que c’est là que se frapperont les grands coups. L’Emp[ereur] Nap[oléon] doit être à Marienbourg, l’Emp[ereur] Alex[andre] alternativement à Wilna et à Schawel, au quartier général. Ceci me fait espérer que la réponse qu’on lui a demandée ne sauroit tarder d’arriver. Point encore de déclaration de guerre de la part de la Fr[ance] et jusqu’à ce moment les ambassadeurs restent à leur poste.
M. de Binder m’a assuré que les pap[iers] de la Chancellerie d’Etat suffisoient pour recommander les voyageurs aux autorités militaires en Autr[iche]. Cependant j’irai chez le comte de Bellegarde et lui en parlerai.
En Angleterre la coalition projetée de différens partis, qui avoit été annoncée dans les gazettes, n’a pas eu lieu, et l’on ne sait pas encore comment le nouveau ministère sera composé.
J’ai vu hier M. de Balk, qui a certainement pour vous une amitié très délicate et très dévouée. Il m’a dit vous avoir écrit.
Si la moindre nouvelle arrive, j’en serai certainement averti par toutes les personnes que j’en ai priées. Je ne sors jamais de chez moi pour longtemps sans que l’on sache où me trouver.
Je suis plein d’impatience de vous rejoindre, je ne trouve aucun plaisir à la prolongation de mon séjour ici, et je n’ai que l’avancement vers notre but en vue.
Dites beaucoup de choses de ma part à Albertine. Albert aura tout le tems d’étudier, en attendant, la géographie de notre voyage. Mille adieux, jusqu’au revoir.