Chère amie, je n’ai qu’un moment pour vous écrire et je veux profiter du courrier qu’on expédie cette nuit. J’accours donc au plus pressé et je vous donne des nouvelles d’Albert. Il n’est pas ici, il se bat depuis trois semaines aux avant-postes devant Hambourg. J’ai su cela d’abord par Alexis de Noailles, qui m’a dit des merveilles; il m’a assuré qu’Alb[ert] avoit eu les affaires les plus brillantes, qu’il étoit toujours alerte, toujours au bivouac, tout à fait comme Hotspur qui ne déjeunoit jamais sans avoir tué une douzaine d’Ecossais. Il prend deux ou trois de ces petits marabous par les cheveux, les met sur son cheval de cosaque et les emporte comme cela prisonniers. Tettenborn doit avoir fait de lui les plus grands éloges. Aujourd’hui j’ai demandé des nouvelles d’Alb[ert] au général Adlercreutz, qui m’a dit qu’il faisoit des rapports journaliers sur ce qui se passe ici avec beaucoup d’exactitude et d’intelligence et qu’il en étoit extrêmement content, qu’il en avoit présenté un aujourd’hui au Pr[ince] R[oyal] qui l’avoit paru de même. Suspendez donc la lettre sur les sujets désagréables dont je vous parlois à Carlscrona. Vous voyez que les défauts et les qualités se compensent chez tous les hommes qui valent quelque chose – je crains qu’il n’en soit de même à mon égard, et vous êtes trop bonne de ne penser plus qu’à mes qualités. Mille amitiés.
Ceci ne compte pas pour une lettre, j’ai les vôtres.