Chère amie, je vous écris ces lignes du fin fond de la Westphalie, de l’ancienne et véritable s’entend seulement pour vous dire, que je suis enfin parfaitement rétabli, et acheminé pour rejoindre mon Prince. Il me faudra faire un long chemin pour cela, car on me dit qu’il n’est plus à Liège et qu’il a transféré son quartier général à Bruxelles, ce qui s’accorde d’ailleurs fort bien avec mes conjectures. Le 9 de ce mois le Prince était encore à Liège. M. B[enjamin] C[onstant] y est arrivé le 7 et a été très bien accueilli. Je me réjouis de le trouver là, puisque nous travaillons dans le même sens.
Je vous envoye ceci encore par la voye d’Hanovre, aussitôt arrivé au Quartier G[énéral] je vous écrirai par la Hollande. Je vous ai fait une grandissime épitre à Hanovre, elle est partie dans le paquet du gouvernement. Si par hasard vous ne l’aviez pas reçue, il faudrait vous informer au bureau du ministère hanovrien.
Je récapitule les affaires d’argent. Le Cte de Bouillé aura remis à Auguste une lettre qui contenait une lettre de change de 400 £ Sterling, payables à son ordre. Dans cette supposition et dans celle que mon manuscrit sera arrivé depuis longtemps et aura aussi valu quelque argent, j’ai tiré sur Auguste 50 £ Sterling à l’ordre de MM. Hahn, libraires à Hanovre. Cette lettre de change est datée du 11 de ce mois, et je l’ai accompagnée d’une lettre d’avis. Ainsi j’espère que tout est en règle.
Baudissin a passé à Hanovre, sans que je l’aye vu. Il ne pouvait pas deviner que j’y fusse. Il l’aurait appris s’il s’était arrêté. Mais, ayant été envoyé au Quartier G[énéral] des 2 empereurs, il était tombé malade en chemin de la rougeole et il se pressait d’arriver après ce délai. Son père est mort mais il ne le savait pas encore.
Je ne puis rien vous dire sur les événements, ayant été si longtemps éloigné de tous les centres de nouvelles et séquestré entièrement depuis 3 jours. Je ne m’étonne ni ne me décourage des longueurs et des fluctuations actuelles. J’y étais préparé. Pourvu que l’on persiste, la fin couronnera l’œuvre.
Adieu, chère amie, je suis tres fatigué, ayant voyagé depuis trois jours et fait aujourd’hui 18 lieues par des chemins affreux. C’est bien assez pour un convalescent. Aussi suis-je affublé de fourrures de la tête aux pieds. Mille amitiés.