Bonn 19 Fevrier
1838.
Monsieur,
Permettez-moi dʼintroduire à lʼhonneur de votre connaissance et de recommander à votre bienveillant accueil, M. Böhtlingk, né à St. Petersbourg dans une famille allemande. Il a séjourné à Bonn près de deux ans, il sʼest adonné à lʼétude du Sanscrit avec beaucoup de zèle et de succès; jʼai pu juger de ses progrès par les exercices dʼanalyse et dʼinterpretation que jʼimpose à mes élèves. M. Böhtlingk a entrepris de traiter une matière bien abstruse: les Aphorismes de Pâńini. Il passe dʼici à Londres pour y faire des collations. Personne nʼest plus à même que Vous, Monsieur, de lui fournir des renseignemens savans, et de lui ouvrir les trésors de la bibliothèque de la Compagnie des Indes.
Je vous suis infiniment reconnaissant de lʼenvoi de votre excellente et belle édition du Sâńkhya-Cârikâ, dont je saurai tirer bon parti.
Je profite de cette occasion pour vous transmettre quelques vers sanscrits de ma façon. Vous verrez de quoi il sʼagit. Cʼest le prélude dʼune discussion sur lʼantiquité des douze Constellations du Zodiaque dans lʼInde: M. Letronne qui occupe un [2] rang si éminent parmi les hellénistes et antiquaires français, a soutenu dans la Revue des deux Mondes (1837. Août 2.d C.) que les Indiens, ainsi que les Égyptiens et les Chaldéens, auraient reçu ces Constellations des Grecs dʼAlexandrie. Ce savant avec qui jʼentretiens des relations amicales, a cru par une méprise, que jʼadhérais à son opinion, tandis que je pense au contraire, que les Grecs en fait dʼAstronomie ont été les écoliers des Egyptiens et des Babyloniens. Je ne pouvais pas laisser subsister cette erreur vis à vis du public: jʼai entamé cette discussion dans le Journal orientaliste de M. Ewald (3e Cahier) qui est peut-être deja entre vos mains. À Londres je serais mieux situé pour plaider cette cause. Néanmoins je crois être suffisamment pourvu dʼargumens pour réfuter lʼhypothèse de M. Letronne, quʼaucun vrai disciple des Brahmanes ne saurait admettre.
Veuillez agréer, Monsieur, lʼassurance de ma consideration très distinguée et des sentimens les plus empressés avec lesquels jʼai lʼhonneur dʼêtre
V. tr. h. & tr. obt serviteur
AW de Schlegel