• Albertine Adrienne Necker to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Genf · Place of Destination: Stockholm · Date: 23. März [1813]
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Albertine Adrienne Necker
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Genf
  • Place of Destination: Stockholm
  • Date: 23. März [1813]
  • Notations: Da der Brief im Druck nur teilweise wiedergegeben ist, wurde er neu transkribiert. – Datum (Jahr) sowie Absende- und Empfangsort erschlossen.
    Printed Text
  • Bibliography: Körner, Josef: Die Botschaft der deutschen Romantik an Europa. Augsburg 1929, S. 59‒61.
  • Incipit: „[1] Ce 23 Mars
    J’ai été bien longtems Monsieur sans repondre à votre lettre charmante, mais je ne veus pas laisser partir [...]“
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-1a-34336
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.29,Nr.106
  • Number of Pages: 4 S. auf Doppelbl., hs. m. Adresse
  • Format: 22 x 17 cm
    Language
  • French
    Editors
  • Knödler, Stefan
  • Varwig, Olivia
[1] Ce 23 Mars
J’ai été bien longtems Monsieur sans repondre à votre lettre charmante, mais je ne veus pas laisser partir le dernier resté d’une société si douce pour mon coeur sans vous adresser quelques mots, à vous qui en faisiez une partie bien plus qu’agreable pour moi – Je suis penetrée de melancolie en voyant disparoitre tout ce qui a fait le charme de ma vie, animé mon esprit élevé mon ame & rempli mon coeur des sentimens les plus tendres & les plus delicieux. C’est une fraction considerable de la mort que cette disparition totale & qui est beaucoup trop separée de son complement – Je me suis quelquefois distraite de ces tristes pensées avec votre ouvrage Monsieur a present cela même est perdu pour moi car il est englouti depuis trois mois dans le goufre de la police d’où rien ne peut le tirer. On dit cependant qu’il en sortira mais je crois bien defiguré. J’ai fait les deux derniers volumes avec bien de la precipitation & peutetre beaucoup trop pour devancer une autre traduction annoncée & qui devoit vous dechirer à belles dents soit par des notes faites exprès soit encore par la maniere dont on auroit rendu vos idées, car on dit que c’est un homme assez ignorant qui s’en etoit chargé. La police peutetre daccord avec ces [2] traducteurs garde si longtemps mon ouvrage qu’il est encore très possible xxxxxxxx qu’ils prennent les devants. & pour les dejouer nous avons fait avec Auguste un petit avertissement en tete de ma traduction afin que d’annoncer qu’elle etoit la seule que vous reconnoitriez. Il auroit mieux valu qu’il que cet avertissement fut tout à fait en votre nom, mais pour eviter le faux nous avons pris une tournure un peu equivoque. J’espere que vous ne nous en desavouerez pas. Ce que vous pourriez desavouer est une note que j’ai faite en votre nom à la place de celle où vous xxxxxx en moquez de plusieurs vers de nos poetes. Je vous ai fait dire que comme ces vers avoient été abandonnès par les critiques Fçois eux memes & que par conseqt. ils ne prouvoient rien contre leur theorie vous en retranchiez la Satyre, que vous n’attachiez d’importance qu’aux idées generals & que vous vouliez bien plutot dans vos remarques critiques donner des exemples que relever des fautes. C’est autant que puis m’en souvenir quelque chose de ce genre que j’ai dit pour vous, mais si vous trouvez que je vous aye trop fait faire pate de velours vous etes mille fois à temps de me l ecrire avant que j’en sois là de l’impression. La pate de velours se retrouve un peu dans toute la partie Françoise, (dont Auguste a fait avec talent tout ce qui regarde la Comedie) mais nous avons pourtant assez laissé percer de griffe pour que vous deviez raiso[nn]ablement etre satisfait. J’espere que cette redoutable griffe m’epargnera moi meme quoique j’aye un peu deffendu la tragedie Françoise dans ma preface. D abord il le falloit comme passeport ensuite je l’avoue j’ai un sentiment d’admiration pour nos plus belles [3] pièces qui renait malgré moi & comme un instinct naturel aussi tot que je les relis ou que je les revois sur la scene. Mais ce qui m’est tout aussi naturel c’est une grande admiration pour la plupart de vos idées pour vos talens & l’esprit qui vous anime & si je n’ai pas su l’exprimer je me suis autant manqué à moi meme que je l’aurois fait si je n’avois pas un peu soutenu nos poetes. Je suis très impatiente de savoir ce que vous direz de tout cela, vous m’ecrirez naturellement je vous prie & vous releverez les fautes proprement dites & involontaires que je crains qui ne soyent en grand nombre vu le manque absolu de conseils. J’avois rendu avec mouvement votre beau morceau sur la poesie Espagnole mais je crains qu’on ne l’ait abymé. Enfin Monsieur croyez que je me trouverai très heureuse si j’ai contribué à faire penetrer vos belles idées dans une region jusqu’à present bien inaccessible aux idées Allem idées qui font la vertibale gloire de l’All[emand] & si je vous ai un peu fait connoitre tel que je [...] connois moi-même.
Une chose qui m’a fait beaucoup de peine, c’est votre separation d’avec
ma Cousine. Il me semble que vous y perdrez beaucoup l’un & l’autre, comme bonheur & comme agrement de societé cela va sans dire mais encore pour votre carriere litteraire à tous les deux. Avoir près de soi la personne dont le suffrage seroit deja le premier prix de nos efforts est une source continuelle d’inspiration & de belles pensées nobles pensées, la contradiction [4] est aussi fort utile, elle anime & tempere à la fois en ce qu’elle nous fait rassembler nos forces pour y repondre & aussi connoitre le point où l’on commence à nous attaquer avec avantage. Enfin j’espere que votre amitié qui doit être eternelle, de meme que les qualités sur lesquelles elle se fonde sont la partie immortelle de vos Etres, j’espere que votre amitié vous reunira de nouveau – Je demande au Ciel que ce soit près de moi. Adieu Monsieur je vous recommande le bonheur de ma Cousine dans tout ce qui en est soumis à votre influence & c’est beaucoup. Lorsque vous ecrivez quelque chose j’espere que vous me le ferez parvenir adressé à Coppet chez Cachet. Je vous le demande en grace.

A Monsieur Schlegel
 
Faites moi dire à quels de vos Amis je dois envoyer
des exemplaires, je vous prie.
[1] Ce 23 Mars
J’ai été bien longtems Monsieur sans repondre à votre lettre charmante, mais je ne veus pas laisser partir le dernier resté d’une société si douce pour mon coeur sans vous adresser quelques mots, à vous qui en faisiez une partie bien plus qu’agreable pour moi – Je suis penetrée de melancolie en voyant disparoitre tout ce qui a fait le charme de ma vie, animé mon esprit élevé mon ame & rempli mon coeur des sentimens les plus tendres & les plus delicieux. C’est une fraction considerable de la mort que cette disparition totale & qui est beaucoup trop separée de son complement – Je me suis quelquefois distraite de ces tristes pensées avec votre ouvrage Monsieur a present cela même est perdu pour moi car il est englouti depuis trois mois dans le goufre de la police d’où rien ne peut le tirer. On dit cependant qu’il en sortira mais je crois bien defiguré. J’ai fait les deux derniers volumes avec bien de la precipitation & peutetre beaucoup trop pour devancer une autre traduction annoncée & qui devoit vous dechirer à belles dents soit par des notes faites exprès soit encore par la maniere dont on auroit rendu vos idées, car on dit que c’est un homme assez ignorant qui s’en etoit chargé. La police peutetre daccord avec ces [2] traducteurs garde si longtemps mon ouvrage qu’il est encore très possible xxxxxxxx qu’ils prennent les devants. & pour les dejouer nous avons fait avec Auguste un petit avertissement en tete de ma traduction afin que d’annoncer qu’elle etoit la seule que vous reconnoitriez. Il auroit mieux valu qu’il que cet avertissement fut tout à fait en votre nom, mais pour eviter le faux nous avons pris une tournure un peu equivoque. J’espere que vous ne nous en desavouerez pas. Ce que vous pourriez desavouer est une note que j’ai faite en votre nom à la place de celle où vous xxxxxx en moquez de plusieurs vers de nos poetes. Je vous ai fait dire que comme ces vers avoient été abandonnès par les critiques Fçois eux memes & que par conseqt. ils ne prouvoient rien contre leur theorie vous en retranchiez la Satyre, que vous n’attachiez d’importance qu’aux idées generals & que vous vouliez bien plutot dans vos remarques critiques donner des exemples que relever des fautes. C’est autant que puis m’en souvenir quelque chose de ce genre que j’ai dit pour vous, mais si vous trouvez que je vous aye trop fait faire pate de velours vous etes mille fois à temps de me l ecrire avant que j’en sois là de l’impression. La pate de velours se retrouve un peu dans toute la partie Françoise, (dont Auguste a fait avec talent tout ce qui regarde la Comedie) mais nous avons pourtant assez laissé percer de griffe pour que vous deviez raiso[nn]ablement etre satisfait. J’espere que cette redoutable griffe m’epargnera moi meme quoique j’aye un peu deffendu la tragedie Françoise dans ma preface. D abord il le falloit comme passeport ensuite je l’avoue j’ai un sentiment d’admiration pour nos plus belles [3] pièces qui renait malgré moi & comme un instinct naturel aussi tot que je les relis ou que je les revois sur la scene. Mais ce qui m’est tout aussi naturel c’est une grande admiration pour la plupart de vos idées pour vos talens & l’esprit qui vous anime & si je n’ai pas su l’exprimer je me suis autant manqué à moi meme que je l’aurois fait si je n’avois pas un peu soutenu nos poetes. Je suis très impatiente de savoir ce que vous direz de tout cela, vous m’ecrirez naturellement je vous prie & vous releverez les fautes proprement dites & involontaires que je crains qui ne soyent en grand nombre vu le manque absolu de conseils. J’avois rendu avec mouvement votre beau morceau sur la poesie Espagnole mais je crains qu’on ne l’ait abymé. Enfin Monsieur croyez que je me trouverai très heureuse si j’ai contribué à faire penetrer vos belles idées dans une region jusqu’à present bien inaccessible aux idées Allem idées qui font la vertibale gloire de l’All[emand] & si je vous ai un peu fait connoitre tel que je [...] connois moi-même.
Une chose qui m’a fait beaucoup de peine, c’est votre separation d’avec
ma Cousine. Il me semble que vous y perdrez beaucoup l’un & l’autre, comme bonheur & comme agrement de societé cela va sans dire mais encore pour votre carriere litteraire à tous les deux. Avoir près de soi la personne dont le suffrage seroit deja le premier prix de nos efforts est une source continuelle d’inspiration & de belles pensées nobles pensées, la contradiction [4] est aussi fort utile, elle anime & tempere à la fois en ce qu’elle nous fait rassembler nos forces pour y repondre & aussi connoitre le point où l’on commence à nous attaquer avec avantage. Enfin j’espere que votre amitié qui doit être eternelle, de meme que les qualités sur lesquelles elle se fonde sont la partie immortelle de vos Etres, j’espere que votre amitié vous reunira de nouveau – Je demande au Ciel que ce soit près de moi. Adieu Monsieur je vous recommande le bonheur de ma Cousine dans tout ce qui en est soumis à votre influence & c’est beaucoup. Lorsque vous ecrivez quelque chose j’espere que vous me le ferez parvenir adressé à Coppet chez Cachet. Je vous le demande en grace.

A Monsieur Schlegel
 
Faites moi dire à quels de vos Amis je dois envoyer
des exemplaires, je vous prie.
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