• Guillaume Favre to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: La Grange (Genf) · Place of Destination: Coppet · Date: 10.08.1816
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Guillaume Favre
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: La Grange (Genf)
  • Place of Destination: Coppet
  • Date: 10.08.1816
  • Notations: Empfangsort erschlossen.
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-1a-33563
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.8,Nr.36
  • Number of Pages: 4S. auf Doppelbl., hs. m. U.
  • Format: 19,8 x 12,2 cm
  • Incipit: „[1] Je voudrais beaucoup, Monsieur, être en état de rèpondre à vos questions dʼune maniere qui pût vous satisfaire, jʼen [...]“
    Language
  • French
  • Latin
  • Greek
    Editors
  • Dänekas, Laura
  • Stieglitz, Clara
[1] Je voudrais beaucoup, Monsieur, être en état de rèpondre à vos questions dʼune maniere qui pût vous satisfaire, jʼen serais très fier & très content. Je ne lʼespère pas mais je vous dirai ce que ma mémoire et quelques livres me fournissent.
1°. Je suis mal au fait des découvertes
très modernes sur Veies. On sʼest beaucoup disputé sur sa situation, Mazzochi la plaçait à Città Castellana, mais à tort. Il sʼest quérelé là dessus avec Nardini qui sʼapprochait plus de la Verité en désignant un lieu près de lʼIsola Farnese. Zanchi lʼa indiquèe ailleurs & jʼai quelque idée que de nouvelles découvertes faites, je crois, par un nommè Georgi, ont ramené à lʼopinion de Nardini qui est aussi celle de Danville. En lʼadoptant je pense que cette ville aurait été visible depuis les hauteurs de Rome & je me fonde sur ce que Mr Sickler la marque à lʼhorizon dans lʼespèce de Panorama quʼil a publié des environs de rome & dont le Centre est la Villa Mellini sur le Monte Mario
2°.
Servius Tullius est nommé Mastarna dans un discours de claude au sénat qui se lit sur une table de cuivre (Gruter Thes. Inscr. p.502). Voici le passage: Regem Servium Tullium gente Tuscum, hæc nomina Romam demum delatum adoptavisse quum antea Tuscè nomen ei Mastarna fuisset. cʼest un monument fort curieux.
[2] 3°. Si Mr Niebuhr pense que les Romains avaient dʼanciennes poësies Epiques, il doit en apporter les preuves, & lʼon ne peut sans cela admettre une pareille supposition. Les Latins & les Romains eurent, comme tous les autres peuples, des poësies Rythmiques, qui ègayaient leurs fêtes publiques & particulieres et qui pouvaient bien contenir quelques traits de leur histoire ou quelques allusions. Mais ces poësies etaient, ce me semble, tout à fait Lyriques et je ne connais aucune indication ni positive ni vague de Poesies Epiques. Les Vers Saturniens, les Vers Saliens, les Vers Fescenniens me paraissent tous du genre Lyrique. Voici quelques passages sur cette poësie.
Servius ad Virg. Georg. II.v.385: Carminibus Saturnio metro compositis: quod ad rhythmum solum vulgares componere consueverunt.
Tibull.II.1.51: Agricola assiduo primùm satiatus aratro
cantavit certo rustica verba pede
Et satur arenti primùm est modulatus avená
Carmen, ut ornatos diceret ante Deos.
Horace parle aussi de cette antique poësie Champetre Epit 2.lib.2=
Satyr.1.7. que Virgile designe ainsi
coloni
Versibus incomptis ludunt risuque soluto

[3] peu à peu ces rythmes Saturniens furent assujettis à une sorte de mêtre irregulier suivant Asconius Pédianus, & cʼest ainsi, au jugement dʼEnnius, que Mævius écrivit son poeme sur la guerre Punique. Cʼest ce même vers quʼHorace nomme horridus numerus Saturnius, &, vestigia ruris. Mais il parait que ce premier degré de perfectionnement, tout faible quʼil etait, devait etre le résultat des liaisons avec les Grecs & Terentianus Maurus exprime cette opinion:
quem credidit vetustas
tamquam Italis repertum
Saturnium vocandum.
Sed origo Græca
illique metron istud
certo modo dederunt
nostrique mox poetæ
&c
Sʼil y avait eu des poesies Epiques ou Historiques chez les Latins ou chez les Romains, il serait bien extraordinaire quʼaucun des Auteurs qui parle dʼ
Albe & de lʼorigine de Rome ou des tems qui de lʼhistoire de ses rois nʼeut invoquée leur temoignage. Par exemple sur lʼorigine de Rome Denys dʼHalice, Festus & Plutarque citent une multitude dʼopinions differentes quʼils rapportent toutes à des Historiens et il ne parait pas que ceux ci aient eu des Poesies Italiques pour matériaux. On cite des Annales, des livres des Pontifes, des libri lintei, des genealogies, mais jamais des poësies. Je ne me souviens pas que dans les Fastes dʼOvide, immense recueil de traditions elles soient jamais invoquées en témoignage. Dans la plus ancienne & la plus auguste des [4] fêtes du Latium, dans la cèlébration des feries Latines, sur le Mt Albain, cérémonie qui dâte des Aborigenes, qui fut renouvellée par des Motifs dʼAmbition par Tarquin et continuée sous la rèpublique on voit des sacrifices, des repas, des jeux asses bizarres, mais il nʼest jamais questions de traditions historiques conservèes par des Poësies.
Puisque vous le trouvés convenable jʼenverrai mon extrait à
Mr Pictet pour etre inserè dans la Bible Unive. Jʼy ferai quelques changements & jʼoterai le Grec, parce que je nʼai pas les mêmes droits que Boccace pour donner des citations en cette langue. Quant au passage de Pausanias je lʼai èxactement copié & jʼai cru en le lisant (comme je puis le lire, c.a.d. fort mal) que αντγ se rapportait à ελασματι αλλω.- Je vous remercie de la tradn Italienne de votre lettre-
Il existe quelques écrits de lʼ
Abbè Sallier, de Mr de Pouilly, pour & contre la certitude de lʼhiste romaine des premiers tems: si vous ne les connaissés pas ils pourraient vous intéresser.
Je compte aller vous faire une visite un de ces matins: en attendant je vous serai obligè de dire à
Mr de Staël que la connaissance quʼil mʼa procurèe de Mr de Brême mʼa été fort agrèable
Recevéz, Monsieur, mes complimens empréssés
G
me Favre Bertrand
La Grange 10. Aoust 1816.
[1] Je voudrais beaucoup, Monsieur, être en état de rèpondre à vos questions dʼune maniere qui pût vous satisfaire, jʼen serais très fier & très content. Je ne lʼespère pas mais je vous dirai ce que ma mémoire et quelques livres me fournissent.
1°. Je suis mal au fait des découvertes
très modernes sur Veies. On sʼest beaucoup disputé sur sa situation, Mazzochi la plaçait à Città Castellana, mais à tort. Il sʼest quérelé là dessus avec Nardini qui sʼapprochait plus de la Verité en désignant un lieu près de lʼIsola Farnese. Zanchi lʼa indiquèe ailleurs & jʼai quelque idée que de nouvelles découvertes faites, je crois, par un nommè Georgi, ont ramené à lʼopinion de Nardini qui est aussi celle de Danville. En lʼadoptant je pense que cette ville aurait été visible depuis les hauteurs de Rome & je me fonde sur ce que Mr Sickler la marque à lʼhorizon dans lʼespèce de Panorama quʼil a publié des environs de rome & dont le Centre est la Villa Mellini sur le Monte Mario
2°.
Servius Tullius est nommé Mastarna dans un discours de claude au sénat qui se lit sur une table de cuivre (Gruter Thes. Inscr. p.502). Voici le passage: Regem Servium Tullium gente Tuscum, hæc nomina Romam demum delatum adoptavisse quum antea Tuscè nomen ei Mastarna fuisset. cʼest un monument fort curieux.
[2] 3°. Si Mr Niebuhr pense que les Romains avaient dʼanciennes poësies Epiques, il doit en apporter les preuves, & lʼon ne peut sans cela admettre une pareille supposition. Les Latins & les Romains eurent, comme tous les autres peuples, des poësies Rythmiques, qui ègayaient leurs fêtes publiques & particulieres et qui pouvaient bien contenir quelques traits de leur histoire ou quelques allusions. Mais ces poësies etaient, ce me semble, tout à fait Lyriques et je ne connais aucune indication ni positive ni vague de Poesies Epiques. Les Vers Saturniens, les Vers Saliens, les Vers Fescenniens me paraissent tous du genre Lyrique. Voici quelques passages sur cette poësie.
Servius ad Virg. Georg. II.v.385: Carminibus Saturnio metro compositis: quod ad rhythmum solum vulgares componere consueverunt.
Tibull.II.1.51: Agricola assiduo primùm satiatus aratro
cantavit certo rustica verba pede
Et satur arenti primùm est modulatus avená
Carmen, ut ornatos diceret ante Deos.
Horace parle aussi de cette antique poësie Champetre Epit 2.lib.2=
Satyr.1.7. que Virgile designe ainsi
coloni
Versibus incomptis ludunt risuque soluto

[3] peu à peu ces rythmes Saturniens furent assujettis à une sorte de mêtre irregulier suivant Asconius Pédianus, & cʼest ainsi, au jugement dʼEnnius, que Mævius écrivit son poeme sur la guerre Punique. Cʼest ce même vers quʼHorace nomme horridus numerus Saturnius, &, vestigia ruris. Mais il parait que ce premier degré de perfectionnement, tout faible quʼil etait, devait etre le résultat des liaisons avec les Grecs & Terentianus Maurus exprime cette opinion:
quem credidit vetustas
tamquam Italis repertum
Saturnium vocandum.
Sed origo Græca
illique metron istud
certo modo dederunt
nostrique mox poetæ
&c
Sʼil y avait eu des poesies Epiques ou Historiques chez les Latins ou chez les Romains, il serait bien extraordinaire quʼaucun des Auteurs qui parle dʼ
Albe & de lʼorigine de Rome ou des tems qui de lʼhistoire de ses rois nʼeut invoquée leur temoignage. Par exemple sur lʼorigine de Rome Denys dʼHalice, Festus & Plutarque citent une multitude dʼopinions differentes quʼils rapportent toutes à des Historiens et il ne parait pas que ceux ci aient eu des Poesies Italiques pour matériaux. On cite des Annales, des livres des Pontifes, des libri lintei, des genealogies, mais jamais des poësies. Je ne me souviens pas que dans les Fastes dʼOvide, immense recueil de traditions elles soient jamais invoquées en témoignage. Dans la plus ancienne & la plus auguste des [4] fêtes du Latium, dans la cèlébration des feries Latines, sur le Mt Albain, cérémonie qui dâte des Aborigenes, qui fut renouvellée par des Motifs dʼAmbition par Tarquin et continuée sous la rèpublique on voit des sacrifices, des repas, des jeux asses bizarres, mais il nʼest jamais questions de traditions historiques conservèes par des Poësies.
Puisque vous le trouvés convenable jʼenverrai mon extrait à
Mr Pictet pour etre inserè dans la Bible Unive. Jʼy ferai quelques changements & jʼoterai le Grec, parce que je nʼai pas les mêmes droits que Boccace pour donner des citations en cette langue. Quant au passage de Pausanias je lʼai èxactement copié & jʼai cru en le lisant (comme je puis le lire, c.a.d. fort mal) que αντγ se rapportait à ελασματι αλλω.- Je vous remercie de la tradn Italienne de votre lettre-
Il existe quelques écrits de lʼ
Abbè Sallier, de Mr de Pouilly, pour & contre la certitude de lʼhiste romaine des premiers tems: si vous ne les connaissés pas ils pourraient vous intéresser.
Je compte aller vous faire une visite un de ces matins: en attendant je vous serai obligè de dire à
Mr de Staël que la connaissance quʼil mʼa procurèe de Mr de Brême mʼa été fort agrèable
Recevéz, Monsieur, mes complimens empréssés
G
me Favre Bertrand
La Grange 10. Aoust 1816.
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