[1] Vous mʼavez communiqué, Monsieur, comme dʼordinaire des choses infiniment intéressantes et utiles. Je vais copier vos notes et vous les renvoyer. Le poëme ancien dont je mʼoccupe est même, sous le point de vue historique, plus curieux que vous nʼimaginez peut-être. Cʼest un mélange de merveilles fabuleuses, dʼanachronismes et de vérités exactes. Entre autres, la cour dʼAttila, ses repas, etc., y sont décrits dʼune manière entièrement conforme à la légation de Priscus, quoique certainement cette description ne fût pas puisée là. Mon but principal est de montrer que la base de ce poëme, quoique le texte actuel ne soit que du onzième siècle (puisque des personnages historiques du dixième y paraissent par anachronisme) est de la plus haute antiquité, et a été communiquée par une tradition orale non interrompue depuis les temps dʼAttila même. La trace de nos traditions que vous mʼindiquez dans un auteur italien mʼest donc infiniment précieuse; car il est tout naturel de supposer quʼelles auront été apportées en Italie par les Ostrogoths. Aucun auteur romain, que je sache, ne fait mention de Grimhilde, comme épouse dʼAttila. Nos poëtes lui donnent successivement deux épouses chrétiennes, dont Grimhilde était la seconde. Selon eux, elle était fille dʼun [2] roi de Bourgogne. Mais, comme ces rois avaient leur résidence à Worms, et que la Hesse toute voisine de là, et qui anciennement portait le nom de Thuringe, leur était probablement soumise, Pigna a très-bien pu appeler Grimhilde fille dʼun roi de Thuringe. Sans doute il a puisé cela dans Casola, et celui-ci nʼayant pu le puiser dans les écrivains romains, lʼaura pris indubitablement dans nos traditions nationales apportées au delà des Alpes. Lʼimportant serait de parvenir au manuscrit de Casola même; mais comme cela est impossible, il faut se contenter de ce que Muratori en a cité et de ce que Pigna en a tiré. Je présume que les livres soulignés sont ceux qui se trouvent ici. Vous mʼobligeriez donc beaucoup si vous vouliez me prêter ces deux-là. Je me flatte que je saurai subodorer dʼabord dans les récits de Pigna lʼorigine tudesque.
Jʼai lu hier avec un grand intérêt la première partie de votre Philelfe; il me semble que vous devriez mettre la dernière main à une biographie qui peint tout un siècle, et vous occuper sérieusement de la donner au public.
Tout à vous,
SCHLEGEL
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