Paris, le 7 juin 1823
Le Secrétaire de la Société, à Monsieur G. de Schlegel, Professeur à l’Université Royale du Rhin, etc etc
Monsieur,
Notre ami et confrère M. Fauriel a déja eu le plaisir de Vous faire part du desir qu’avoit la Société Asiatique, que le titre de son Associé etranger qu’Elle Vous a conféré put Vous être agréable, et Vous engager à concourir d’une manière quelconque à ses travaux. Si je viens encore Vous en entretenir après lui, c’est moins pour m’acquitter d’un devoir que pour me féliciter d’avoir l’honneur de tenir, par un lien commun de confraternité, à un homme qui a rendu et rend encore tous les jours de si importans services aux lettres Orientales. Il est dans les attributions de la charge qui m’a été imposée, de faire la correspondance de la Société, et c’est une prérogative que je ne cèderai pas facilement, quand il s’agira d’avoir de rapporter avec une persone comme Vous.
Vous aurez vu par la première publication de la Société qu’Elle a débuté sous des auspices moins brillans que solides. Elle compte dans son sein tout ce que nous avons d’habiles critiques Orientaux, ou du moins elle a peu à regretter ce qui lui manque [2] en ce genre. Mais ses fonds seront peu considérables cette année, et Elle ne pourra pas encore entreprendre d’impressions un peu considérables. Toutefois la publication du Journal Asiatique qui commencera au mois de Juillet, pourra faire quelque bien, et ce recueil pourrait avoir de succès, si des hommes tels que Vous Vouloient y coopérer. Je prends la liberté de Vous en prier, Monsieur, et si de tems à autre, Vous avez quelque morceau dont Vous puissiez disposer en notre faveur, Vous aurez contribué avec efficacité à répandre et à naturaliser en France le culte des Muses Orientales.
J’ai de nouveaux remercimens à Vous faire, Monsieur, pour le 3e N.° de votre Bibliothèque Indienne. J’y ai vu avec le plus vif intérêt les premiers essais de Votre typographie Sanskrite. C’est encore un pas immense que Vous avez fait faire aux lettres Asiatiques, et tout ce qu’on peut desirer, c’est que Vous appliquiez cette belle acquisition à la publication de quelque ouvrage elementaire ou de quelque texte important. Vous n’y manquerez pas sans doute, et la peine que Vous avez déja prise est garant que Vous n’en ménagerez aucune, pour le bien de l’importante branche de littérature que Vous cultivez.
Permettez moi, Monsieur, de joindre à cette lettre un exemplaire du Rudiment Chinois que je viens de publier. C’est un ouvrage bien mince, mais qui peut-être, à ce titre même, mérite l’attention des Philologues Philosophes, In tenui labor. Je n’aurois, je vous jure, en aucune peine à le faire vingt fois plus gros. Mais j’aurois [3] manqué mon but, qui est d’ouvrir à tout le monde un libre accès vers la littérature chinoise. C’est aux savans à juger si je l’ai atteint, et Votre opinion, si Vous prenez la peine de parcourir cet opuscule, sera pour moi d’un grand poids, quelle qu’elle puisse être.
Veuillez agréer l’expression des sentimens de haute estime et de considération très distinguée avec lesquels je suis,
Monsieur,
Votre très humble et [...] obéissant serviteur,
JP. Abel-Rémusat
[4] A Monsieur
Monsieur Guil. de Schlegel,
Professeur à l’Université Royale du Rhin,
Membre de l’Académie Rle des Sciences, &c etc.
à Bonn.