• Auguste Louis de Staël-Holstein to August Wilhelm von Schlegel

  • Place of Dispatch: Coppet · Place of Destination: Heidelberg · Date: 09.07.1818
Edition Status: Newly transcribed and labelled; double collated
    Metadata Concerning Header
  • Sender: Auguste Louis de Staël-Holstein
  • Recipient: August Wilhelm von Schlegel
  • Place of Dispatch: Coppet
  • Place of Destination: Heidelberg
  • Date: 09.07.1818
    Manuscript
  • Provider: Dresden, Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek
  • OAI Id: DE-611-36979
  • Classification Number: Mscr.Dresd.e.90,XIX,Bd.26,Nr.24
  • Number of Pages: 4 S. auf Doppelbl., hs.
  • Format: 23 x 19 cm
  • Incipit: „[1] Coppet 9 Juillet 1818.
    Je ne connois pas de lecture plus piquante et plus spirituelle que Vos lettres, mon cher [...]“
    Language
  • French
    Editors
  • Golyschkin, Ruth
  • Stieglitz, Clara
[1] Coppet 9 Juillet 1818.
Je ne connois pas de lecture plus piquante et plus spirituelle que Vos lettres, mon cher Schlegel; elles sont un evênement dans notre solitude; et il seroit bien ingrat à moi de ne pas Vous en remercier -
Notre vie est telle quʼelle a toujours été à Coppet, il nʼy a rien de changé si ce nʼest ce qui en faisoit tout lʼintérêt et le bonheur. Victor étudie la jurisprudence dès six heures du matin; Albertine sʼoccupe de ses enfants et fait des lectures sérieuses avec son mari - je travaille à ma notice biographique et je cherche surtout à en faire une occasion de bien étudier les questions de finances. Mais je suis bien honteux de lʼétat de mes facultés, de la peine que jʼai à recueillir ma mémoire et à fixer mon attention. Au bout de deux heures de travail je suis obligé dʼinterrompre; une sorte de souffrance physique dont je ne suis pas le maitre me rendroit impossible de continuer si je nʼallois pas prendre lʼair.
Alphonse est établi ici depuis hier. Je suis beaucoup plus content de sa santé; il me semble aussi que son esprit se développe - Cʼest un bizarre enfant: il est étonnant par son analogie avec son pere; la même taciturnité dont il sort tout à coups pour bavarder, les mêmes alternatives de sensibilité et dʼégoïsme, tout cela en embryon.
Jʼai reçu de
Tiek deux exemplaires du buste dʼAlbertine; mais point [2] celui de Rocca et aucune nouvelle de la statue, si ce nʼest par des anglois qui lʼont vue en Italie et qui en ont parlé avec beaucoup dʼéloges - Il faut donc quʼelle soit à peu près finie - Faites moi le plaisir dʼécrire à Tiek. et de lui demander aussi à quoi nous en sommes financierement parlant. Quʼa-t-il reçu et que lui est il dû encore?
Decandolle et Dumont ont enfin commencé à donner à Geneve une impulsion un peu plus liberale. On a formé une societé de lecture sur un excellent plan, et à la quelle nous nous sommes empressés de souscrire - Il y a quatre sallons, lʼun destiné à la lecture de tous les journaux litteraires politiques et scientifiques de la France, de lʼAngleterre, de lʼAllemagne et de lʼItalie. La collection est très complette - La seconde salle est une bibliotheque formée des livres donnés par les souscripteurs et de ceux quʼon achetera avec les économies. Un 3eme sallon est consacré à la conversation générale et aux échecs. Un 4eme enfin est un lazarette réservé exclusivement pour la conversation allemande - Tout cela au 2d étage de lʼancienne préfecture. Au rez de chaussée on a construit un amphithéatre pour des cours publics avec un laboratoire et un cabinet de physique.
Le
Prof. Maurice dans un mémoire quʼil vient de distribuer sur les moyens de relever lʼinstruction publique Vous designe sans Vous nommer pour [3] une chaine de littérature et de philologie. Tout ce quʼil y a de gens éclairés à Geneve dit quʼil auroit fallu Vous faire les avances les plus pressantes - Le seul Boissier est comme un petit diable contre vous - Si on pouvait envoyer Messieurs du conseil à renoncer à leur ridicule armée de ligne, il y auroit amplement des fonds pour tout. Cʼest une chose curieuse que de voir Mad. Necker avec toute la hauteur de son esprit devenir ministerielle dans le sens le plus borné du mot dès quʼil sʼagit de politique genevoise.
On a beaucoup parlé à
Paris dʼune prétendue conspiration des ultra pour enlever les ministres et envoyer par là les puissances à laisser leurs troupes en France: je nʼy crois gueres - M. de Chateaubriant a fait comme Vous avez vu un procès au calomnie au Times pour lʼavoir accusé dʼêtre lʼun des auteurs dʼun mémoire aux cours alliées contre le départ de lʼarmée dʼoccupation. Les coopérateurs de M. de Chat. étoient, dit on, Mathieu, M. de Bruges et M. de Vitrolles - Le mémoire existe certainement, et je suis très porté à croire quʼil est de Mr de Vitrolles
Je nʼai pas besoin de Vous dire mon cher Schlegel, que Vous serez reçu à bras ouverts si Vous venez nous voir.
Albertine avoit le projet dʼun voyage en Suisse qui auroit pris tout le mois dʼAoût; mais il est peu probable que ce projet sʼexecute. Victor se contentera pour cette année des glaciers de Savoie, Il ne compte retourner à Paris que les premiers jours de novembre - Jʼy serai pro- [4] bablement plus tôt - Mad. de Ste Aulaire me parle beaucoup de M. Votre frere: elle est ravie de sa conversation - Adieu encore. Mille tendres amitiés
Continuez à nous envoyer les extraits de lʼouvrage. Ceux que renfermoit votre lettre me paraissent bien supérieurs à ce qui a paru en France, si ce nʼest un article de
Guizot dans ses archives, mal écrit comme style, mais excellent - Quʼest ce donc que cette préface de Vous dont parlent les journaux allemands. Vous ne me lʼavez jamais lue.
Monsieur
A. W. de Schlegel
chez
Messrs Mohr & Winter
Heidelberg
[1] Coppet 9 Juillet 1818.
Je ne connois pas de lecture plus piquante et plus spirituelle que Vos lettres, mon cher Schlegel; elles sont un evênement dans notre solitude; et il seroit bien ingrat à moi de ne pas Vous en remercier -
Notre vie est telle quʼelle a toujours été à Coppet, il nʼy a rien de changé si ce nʼest ce qui en faisoit tout lʼintérêt et le bonheur. Victor étudie la jurisprudence dès six heures du matin; Albertine sʼoccupe de ses enfants et fait des lectures sérieuses avec son mari - je travaille à ma notice biographique et je cherche surtout à en faire une occasion de bien étudier les questions de finances. Mais je suis bien honteux de lʼétat de mes facultés, de la peine que jʼai à recueillir ma mémoire et à fixer mon attention. Au bout de deux heures de travail je suis obligé dʼinterrompre; une sorte de souffrance physique dont je ne suis pas le maitre me rendroit impossible de continuer si je nʼallois pas prendre lʼair.
Alphonse est établi ici depuis hier. Je suis beaucoup plus content de sa santé; il me semble aussi que son esprit se développe - Cʼest un bizarre enfant: il est étonnant par son analogie avec son pere; la même taciturnité dont il sort tout à coups pour bavarder, les mêmes alternatives de sensibilité et dʼégoïsme, tout cela en embryon.
Jʼai reçu de
Tiek deux exemplaires du buste dʼAlbertine; mais point [2] celui de Rocca et aucune nouvelle de la statue, si ce nʼest par des anglois qui lʼont vue en Italie et qui en ont parlé avec beaucoup dʼéloges - Il faut donc quʼelle soit à peu près finie - Faites moi le plaisir dʼécrire à Tiek. et de lui demander aussi à quoi nous en sommes financierement parlant. Quʼa-t-il reçu et que lui est il dû encore?
Decandolle et Dumont ont enfin commencé à donner à Geneve une impulsion un peu plus liberale. On a formé une societé de lecture sur un excellent plan, et à la quelle nous nous sommes empressés de souscrire - Il y a quatre sallons, lʼun destiné à la lecture de tous les journaux litteraires politiques et scientifiques de la France, de lʼAngleterre, de lʼAllemagne et de lʼItalie. La collection est très complette - La seconde salle est une bibliotheque formée des livres donnés par les souscripteurs et de ceux quʼon achetera avec les économies. Un 3eme sallon est consacré à la conversation générale et aux échecs. Un 4eme enfin est un lazarette réservé exclusivement pour la conversation allemande - Tout cela au 2d étage de lʼancienne préfecture. Au rez de chaussée on a construit un amphithéatre pour des cours publics avec un laboratoire et un cabinet de physique.
Le
Prof. Maurice dans un mémoire quʼil vient de distribuer sur les moyens de relever lʼinstruction publique Vous designe sans Vous nommer pour [3] une chaine de littérature et de philologie. Tout ce quʼil y a de gens éclairés à Geneve dit quʼil auroit fallu Vous faire les avances les plus pressantes - Le seul Boissier est comme un petit diable contre vous - Si on pouvait envoyer Messieurs du conseil à renoncer à leur ridicule armée de ligne, il y auroit amplement des fonds pour tout. Cʼest une chose curieuse que de voir Mad. Necker avec toute la hauteur de son esprit devenir ministerielle dans le sens le plus borné du mot dès quʼil sʼagit de politique genevoise.
On a beaucoup parlé à
Paris dʼune prétendue conspiration des ultra pour enlever les ministres et envoyer par là les puissances à laisser leurs troupes en France: je nʼy crois gueres - M. de Chateaubriant a fait comme Vous avez vu un procès au calomnie au Times pour lʼavoir accusé dʼêtre lʼun des auteurs dʼun mémoire aux cours alliées contre le départ de lʼarmée dʼoccupation. Les coopérateurs de M. de Chat. étoient, dit on, Mathieu, M. de Bruges et M. de Vitrolles - Le mémoire existe certainement, et je suis très porté à croire quʼil est de Mr de Vitrolles
Je nʼai pas besoin de Vous dire mon cher Schlegel, que Vous serez reçu à bras ouverts si Vous venez nous voir.
Albertine avoit le projet dʼun voyage en Suisse qui auroit pris tout le mois dʼAoût; mais il est peu probable que ce projet sʼexecute. Victor se contentera pour cette année des glaciers de Savoie, Il ne compte retourner à Paris que les premiers jours de novembre - Jʼy serai pro- [4] bablement plus tôt - Mad. de Ste Aulaire me parle beaucoup de M. Votre frere: elle est ravie de sa conversation - Adieu encore. Mille tendres amitiés
Continuez à nous envoyer les extraits de lʼouvrage. Ceux que renfermoit votre lettre me paraissent bien supérieurs à ce qui a paru en France, si ce nʼest un article de
Guizot dans ses archives, mal écrit comme style, mais excellent - Quʼest ce donc que cette préface de Vous dont parlent les journaux allemands. Vous ne me lʼavez jamais lue.
Monsieur
A. W. de Schlegel
chez
Messrs Mohr & Winter
Heidelberg
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