Chère amie, malgré un rhume violent qui m’offusque la tête et me retient forcément dans mon lit les matins, je ne veux pas laisser passer le courrier sans vous écrire au moins quelques lignes. Je n’ai point eu de lettre de votre part depuis celles auxquelles j’ai répondu hier, et ici il n’y a rien de nouveau.
J’ai pour vous le livre de Gœthe, je l’expédierai par le fourgon et j’espère que vous l’aurez lundi prochain. Jacobi a publié un écrit „sur les choses divines et leur révélation”. C’est un titre magnifique; si l’ouvrage y répond, ce doit être ce qu’il a jamais fait de plus important.
Dans un extrait de mes poésies on m’exhorte beaucoup à achever mon poème de chevalerie; on dit que les princes devroient m’y engager par des récompenses. Cela est fort obligeant, mais nos princes ont d’autres pensées dans l’esprit et mon souverain à moi ne se soucie guère de la poésie allemande.
Il y a ici peu de grandes réunions. M. de Watteville est toujours à P[aris] avec sa femme et Mad[ame] de Falk y est aussi, ce qui fait que son mari voit peu de monde chez lui. J’ai oublié de vous mander que M. Aloys Reding est depuis quelque temps à Vienne pour les intérêts du couvent d’Einsiedeln et qu’il y a été accueilli avec la plus grande distinction.
Il se fait des mouvements militaires en Galicie; des personnes instruites considèrent cela comme des préparatifs d’une neutralité armée. M. de Bellegarde reste à la tête du département de la guerre. Les papiers fr[ançais] ont dernièrement annoncé des changements de ministère en Autriche qui n’ont pas le sens commun, et qui sont fondés uniquement sur des mésentendus (sic).
On a tort de vous dire, chère amie, que je ne regrette pas partout votre société. La journée ici est mal divisée soit pour le travail, soit pour l’amusement – ce dîner à une heure est un fléau de ma vie.
Mille adieux.