[1] 9. Aoust.
Cher ami vous me pardonnerez si je ne vous ai pas écrit plutôt, un voyage de 250 lieues six semaines après être accouchée cela prend du tems. Je mʼen trouve très bien, et me voilà au milieu des montagnes, ne pouvant pas les parcourir assez, mais respirant au moins leur air pur. Victor se repose de ce fatigant hyver. Il y a ici assez de monde de toute couleur, vivant en bonne paix, car il nʼest pas du régime de se disputer. nous avons eu à son passage le duc de Laval il ne parle pas de lʼEspagne comme nos journaux ultras. Il dit au contraire quʼon [2] y est fort unanime et que la contrerévolution y est impossible. Mde de St Aulaire est ici pour sa santé, elle se trouve bien des Eaux, elle a toujours beaucoup de charme, charme dont je jouirois sʼil nʼétait pas cause dʼun grand chagrin pour moi, lʼinutilité et le décousu de la vie dʼAuguste. Je voudrois quʼil voyageât, il mʼa pris cher ami un gout de voyager et de voir des pays nouveaux que je ne puis pas satisfaire avec ma nombreuse famille mais que je satisferois si jʼétois seule comme Auguste. Je suis lassée de la societe et les objets exterieurs mʼinteressent davantage. Victor et moi nous [3] lisons le prugatoire du Dante en pensant à vous et en regrettant vos spirituelles explications. Cʼest bien vivant et bien original, mais je ne sais pas si je lʼai encore bien saisi, il me manque une clé je ne sais la quelle. Je relis en même tems Shakespeare ainsi vous voyez que je suis vos avis. Alphonse est avec moi, le voyage lʼamuse et le développe beaucoup, vous lui avez rendu de grands services cet hyver. quʼavez vous dit de la mort de Bonaparte, cʼest une fin Shakespearienne. Il [4] est regretté dʼune manière qui me dégoute, car elle montre au fond des coeurs honteux amour pour lʼagitation de la vie militaire contenue par la discipline du despotisme. Cette nation ci veut être à la fois émue, et menée fortement et cʼest ce que cet homme lui donnoit. Les 10. années dʼexil ont paru au même instant. Bizarre coincidence! Cet ouvrage a un grand succes, il y a une verité si forte quʼelle impose silence aux gens les plus mécontents. adieu cher ami, je ne sais pas si je vous ai assez dit combien vous avez rendu notre interieur interessant cet hyver par votre conversation si animée et si inépuisable. Ecrivez moi souvent parlez moi de vos travaux mille tendres amitiés. mes trois enfants sont
[1] restés à Paris avec Fanny et sont tres bien. Auguste nʼest pas ici mais à Plombières. mon adresse ici est Cautterets Hautes Pyrenées par Tarbes jʼy resterai jusquʼau 15. Septembre.
Cher ami vous me pardonnerez si je ne vous ai pas écrit plutôt, un voyage de 250 lieues six semaines après être accouchée cela prend du tems. Je mʼen trouve très bien, et me voilà au milieu des montagnes, ne pouvant pas les parcourir assez, mais respirant au moins leur air pur. Victor se repose de ce fatigant hyver. Il y a ici assez de monde de toute couleur, vivant en bonne paix, car il nʼest pas du régime de se disputer. nous avons eu à son passage le duc de Laval il ne parle pas de lʼEspagne comme nos journaux ultras. Il dit au contraire quʼon [2] y est fort unanime et que la contrerévolution y est impossible. Mde de St Aulaire est ici pour sa santé, elle se trouve bien des Eaux, elle a toujours beaucoup de charme, charme dont je jouirois sʼil nʼétait pas cause dʼun grand chagrin pour moi, lʼinutilité et le décousu de la vie dʼAuguste. Je voudrois quʼil voyageât, il mʼa pris cher ami un gout de voyager et de voir des pays nouveaux que je ne puis pas satisfaire avec ma nombreuse famille mais que je satisferois si jʼétois seule comme Auguste. Je suis lassée de la societe et les objets exterieurs mʼinteressent davantage. Victor et moi nous [3] lisons le prugatoire du Dante en pensant à vous et en regrettant vos spirituelles explications. Cʼest bien vivant et bien original, mais je ne sais pas si je lʼai encore bien saisi, il me manque une clé je ne sais la quelle. Je relis en même tems Shakespeare ainsi vous voyez que je suis vos avis. Alphonse est avec moi, le voyage lʼamuse et le développe beaucoup, vous lui avez rendu de grands services cet hyver. quʼavez vous dit de la mort de Bonaparte, cʼest une fin Shakespearienne. Il [4] est regretté dʼune manière qui me dégoute, car elle montre au fond des coeurs honteux amour pour lʼagitation de la vie militaire contenue par la discipline du despotisme. Cette nation ci veut être à la fois émue, et menée fortement et cʼest ce que cet homme lui donnoit. Les 10. années dʼexil ont paru au même instant. Bizarre coincidence! Cet ouvrage a un grand succes, il y a une verité si forte quʼelle impose silence aux gens les plus mécontents. adieu cher ami, je ne sais pas si je vous ai assez dit combien vous avez rendu notre interieur interessant cet hyver par votre conversation si animée et si inépuisable. Ecrivez moi souvent parlez moi de vos travaux mille tendres amitiés. mes trois enfants sont
[1] restés à Paris avec Fanny et sont tres bien. Auguste nʼest pas ici mais à Plombières. mon adresse ici est Cautterets Hautes Pyrenées par Tarbes jʼy resterai jusquʼau 15. Septembre.
