ce 10 Juin
Vous mʼavez prevenu, cher ami au moment où jʼallois vous écrire. Je crois bien que cʼest vous qui me deviez une lettre il me semble que je vous ai ecrit cet hyver sans avoir eu de réponse. Certainement je ne vous découragerai pas de venir nous voir. Dieu au contraire je vous le demande instamment je dirois presque que cʼest pour vous un devoir. Vous êtes seul a mener vous nʼavez pas comme nous un grand attirail de maison qui rend tout difficile. Nous restons ici jusquʼau mois dʼAoust, après cette époque nous serons à Paris tout prets à vous recevoir à Broglie ce seroit de même et jʼaurois même un plaisir particulier à vous montrer ce lieu qui est très [2] joli et mʼest très cher. Où que vous veniez vous serez le très bien venu. Vous aurez bien des connoissances à faire une bonne grosse fille de quatorze ans avec des beaux yeux noirs, une plus mince de treize avec des yeux bleus très fins un petit garcon de dix ans qui apprend le grec et le latin à force tout cela très curieux de vous voir et tout près à vous aimer. Le coeur me bat cher ami en pensant que je vous reverrai et que nous parlerons ensemble de tout ce passé si cher et si éloigné. Alphonse est en Angleterre avec son oncle. Ma pauvre belle soeur aura bien du plaisir à vous voir si elle est avec nous. Cela la vie la vie [3] comme il est vrai quʼelle sʼenfuit comme un courrier mais il en est une autre ou notre place a été preparée par celui qui a donné sa vie pour nous nous parlerons aussi de cette vie là qui est la seule vraie.
Ecrivez moi vos projets lʼepoque en détail mais cette fois tenez parole jʼirai jʼespère un jour si Dieu per[met] vous rendre votre visite mais jʼai [un] lourd bagage à remuer. Adieu cher ami je nʼai point reçu de lithographies mille et mille tendresses inalterables.
[4] Monsieur
A. W. de Schlegel.
à Bonn.
Province prussienne du Rhin