[1] Cher ami, je me reproche bien de ne vous avoir pas encore écrit depuis mon arrivée, mais je n’en ai vraiment pas pu trouver le loisir. Il m’a fallu retrouver tant de souvenirs tant de personnes cheries que j’en ai été toute ébranlée. Mon petit Paul est à merveille. Dieu l’a bien protegé. J’ai eu beaucoup de douceur à revoir Mad. Necker quoique la communication soit avec elle bien difficile. Tout ce qui touche à ce cher passé m’est bien précieux et j’ai éprouvé une émotion bien douce et bien profonde en entrant dans votre maison qui est si remplie de tous ces [2] souvenirs. Votre bonne et aimable reception me sera toujours présente, et ces jours passés à Bonn ne seront jamais oubliés. J’ai trouvé la route jusqu’à Mayence bien belle ces ruines qui dominent le paysage font un bien bel effet, elles m’ont rappelée la ballade de Goethe sur le revenant. Les vieilles ombres assistent à toutes nos nouvelles entreprises et nous voyent passer nous qui bientôt seront aussi des ombres. Nous avons ensuite été visiter l’isle saint Pierre qui est melancolique et riante à la fois. [3] Je vous prie de dire à Mr Lassen combien nous l’avons trouvé aimable et obligeant. Rappellez moi aussi au souvenir de votre aimable et bonne nièce. Louise vous dit mille choses et se glorifie de vos complimens. Le chevalier s’apprete à les meriter. Je trouve que ma vie est encore con[...] des bénédictions divines malgré [...] trésor qui m’a été enlevé et je vo[udrois] ne pas être ingrate. Adieu bien cher ami mes plus tendres voeux vous suivent à présent au milieu de cette jolie demeure qu’il m’est bien doux de connoitre et je vous y vois dans la salle à manger indienne dans le sallon chinois, partout je vous aime et pour toujours.
Coppet
ce 18 septembre
Staël de Broglie
[4] Monsieur
A. W. Schlegel
Chevalier de plusieurs ordres
à Bonn
Province prussienne du Rhin