Monsieur!
Je suis le même personnage qui eut, il y a quelque temps, l’impertinence de vous rendre visite. Vous vous rappellez peut-être que vous eutes la bonté de me permettre de vous consulter quelquefois; c’est cette permission, donnée avec tout de bonté, qui m’enhardit aujourd’hui á vous écrire. J’aurois fait volontiers le voyage de Coppet pour vous épargner l’ennui d’une réponse; mais beaucoup d’occupations, et d’autres obstacles, m’en ont empêché. Je vous supplie seulement, Monsieur, de pardonner cette démarche à ma jeunesse et à mon inexpérience qui ne me permettent peut-être pas de voir à quel point elle est repréhensible.
Ces vers (soi-disans, au moins) sont de moi. Il y a déjà des années que j’en barbouille, et que je me suis fourré dans la tête que je serois [2] bien heureux, si quelques succès en ce genre pourroient sauver mon nom de l’oubli. Je me repaissois de ces idées si douces quand personne ne les contredit, lorsqu’il me vint dans l’esprit qu’avec tous mes beaux plans d’immortalité, je pouvois fort bien déraisonner. C’est pour me tirer de l’inquiétude où cette réflexion m’a jetté, que je m’adresse à vous, Monsieur. En vous envoyant ces strophes qui font partie d’une ode loin encore d’être achevée, je n’aspire point à des éloges; je serois plus que satisfait si elles vous feroient appercevoir que je pourrois un jour en mériter.
Un encouragement pareil me rendroit le plus heureux des hommes; mais quand je considère ce que je suis, et ce à quoi j’ose prétendre, je sens toutes mes espérances prêtes à défaillir. Moi attendre une lettre d’une homme célèbre! voilà une idée qui me remplit à-la-fois de ravissement et de crainte,
[3] J’ai l’honneur d’être,
Monsieur,
votre dévoué serviteur et admirateur.
L. Manuel etudt.
[4] [leer]